Au travers de cet article, l’idée n’est pas de vous dispenser un cours sur le sujet mais bien de partager avec vous quelques éléments de réflexions qui expliquent pourquoi ce sujet est aujourd’hui en plein essor.
Nous aborderons les points suivants :
- Préambule
- Contexte
- Qu’est ce qu’une émotion et pourquoi s’y intéresser ?
- Caractéristiques
- Pourquoi ne sommes-nous pas toujours au fait de celles-ci ?
- C’est quoi l’Intelligence Emotionnelle (IE) ?
- Est-ce que ça s’apprend ?
- Quels sont les avantages de l’intelligence émotionnelle pour les entreprises ?
- Conclusion
Préambule
Les notions d’émotions, de compétences émotionnelles (CE) et d’intelligence émotionnelle (IE) sont de plus en plus présentes dans le monde du travail, l’actualité, voir notre quotidien.
Les acteurs de la santé, de l’éducation, du monde économique et bien d’autres, s’y intéressent de plus en plus. On peut voir par exemple, des professionnels du recrutement et de la sélection mettre en avant l’intelligence émotionnelle comme LA compétence des cadres et des dirigeants de demain.
Il est maintenant courant de voir divers magazines spécialisés publier des articles sur le sujet. Il y a quelques mois par exemple, le Harvard Business Review éditait un hors-série intitulé « Le must de l’intelligence émotionnelle – 12 idées pour être plus empathique, plus résilient, plus heureux et plus performant».
Mais en définitive, de quoi parle-t-on ?
Quelles sont les raisons de cet engouement ? Pourquoi ce phénomène prend-il de l’ampleur, non seulement dans les sphères du développement personnel mais aussi dans le monde de l’entreprise ? Est-ce là juste un phénomène de mode ou une réelle prise de conscience qui fait que, même au pays de Descartes, le développement de ses compétences émotionnelles est un atout majeur pour se réaliser et être acteur de ce monde en perpétuelle mutation ?
Contexte
“L’émotion est le moteur du changement, et la joie son essence.”
De Olivier Lockert
Tout d’abord, de quoi parlons-nous précisément ? Essayons au travers de ces quelques lignes d’expliciter tout cela. Sur Larousse.fr[1],nous pouvons trouver les définitions suivantes :
Intelligence
(latin intelligentia, de intelligere, connaître)
- Capacité de saisir une chose par la pensée : Pour l’intelligence de ce qui va suivre, rappelons la démonstration antérieure.
- Personne considérée dans ses aptitudes intellectuelles, en tant qu’être pensant : c’est une intelligence supérieure.
- Qualité de quelqu’un qui manifeste dans un domaine donné un souci de comprendre, de réfléchir, de connaître et qui adapte facilement son comportement à ses finalités : avoir l’intelligence des affaires.
- Aptitude d’un être humain à s’adapter à une situation, à choisir des moyens d’actions en fonction des circonstances : Ce travail réclame un minimum d’intelligence.
- Ensemble des fonctions mentales ayant pour objet la connaissance conceptuelle et rationnelle : Les mathématiques sont-elles le domaine privilégié de l’intelligence ? Test d’intelligence.
Il est intéressant de voir qu’aujourd’hui, un accent soit encore mis sur le côté « pensée » de cet aspect.
On voit bien apparaître les notions de compréhension, d’adaptation de son comportement, de choix des moyens d’actions et aussi d’un ensemble de connaissances conceptuelles et rationnelles.
Emotions
(de émouvoir, d’après l’ancien français motion, mouvement)
- Trouble subit, agitation passagère causé par un sentiment vif de peur, de surprise, de joie, etc. : Parler avec émotion de quelqu’un.
- Réaction affective transitoire d’assez grande intensité, habituellement provoquée par une stimulation venue de l’environnement.
- Sous l’Ancien Régime, révolte populaire non organisée et généralement de courte durée.
On observe que le premier élément de définition parle de « trouble subit » et « d’agitation passagère » et qu’il y ait même eu un lien avec « une révolte populaire ». Sachant que la même source définit le trouble comme « État d’agitation, d’inquiétude, de confusion […] ». Pas étonnant que dans ce contexte, jusqu’il y a peu, la notion d’émotion n’avait guère bonne presse dans le monde du travail. Monde dans lequel les termes tels que le contrôle et la rigueur sont souvent évoqués.
Or nous assistons depuis quelques années à un changement de paradigme. Comme évoqué précédemment, il est maintenant courant de voir de livres, articles et formations sur le sujet.
Quelles en sont les raisons ?
Qu’est-ce qu’une émotion et pourquoi s’y intéresser ?
“Une vie sans émotion est une vie perdue.”
Roger Fournier / A nous deux
Lors d’un entretien entre le professeur Paul Ekman et Daniel Goleman (2007) la notion d’émotion était évoquée comme suit :
Les émotions « […] nous aident à gérer des éléments qui sont importants pour notre bien-être […] sans devoir y penser. »
Si l’on y regarde de plus près, tous les mots sont importants, car cela signifie que les émotions sont là pour nous aider (c’est positif !) ; à gérer (donc il y a bien une action pour faire face, pour s’occuper de) ; importants pour notre bien-être (c’est bien important pour nous, par forcement pour quelqu’un d’autre mais bien pour nous, pour celui qui vit l’émotion, donc il ne faut pas les ignorer) ; sans y penser (l’activation de l’émotion est inconsciente).
En fait, les émotions nous ont permis de survivre. Prenez le cas de la peur qui permet de fuir face au danger… Ce sont des réactions automatiques, inconscientes et qui sont là au départ pour notre bien.
Caractéristiques
“Les émotions sont faites pour être partagées.”
Marc Levy / Et si c’était vrai…
Les émotions possèdent différentes caractéristiques, dont entre autres, le fait d’avoir un canal d’expression fiable et universel : le visage.
A l’époque, Darwin avait déjà dépeint dans le passage suivant, quelques expressions émotionnelles particulièrement importantes pour notre espèce :
« Les mouvements d’expressions de la face et du corps, quelle que soit leur origine, sont très importants pour nous. Ils servent de premier moyen de communication entre la mère et son enfant ; elle peut ainsi l’encourager par un sourire ou le dissuader par un froncement. […] Les mouvements expressifs donnent vie et énergie aux mots que nous prononçons. Ils révèlent plus sûrement les pensées et les expressions que les mots qui sont parfois trompeurs. ».
Ce qui est extrêmement intéressant est que les émotions stimulent de manière universelle les mêmes muscles du visage pour chaque émotion – indépendamment de la culture ou d’autres différences individuelles.
De plus, Darwin avait déjà avancé, ce qui a été démontré par la suite par Paul Ekman, que si les expressions peuvent parfois être contenues par la volonté, elles sont le plus souvent involontaires.
Le Dr Paul Ekman, est l’un des pionniers dans l’étude des émotions dans leurs relations aux expressions faciales (théorie de détection des micro-expressions élaborée à partir de l’étude sur les sociétés primitives et leurs réactions universelles à diverses photographies). Il est considéré comme l’un des cent plus éminents psychologues du XXe siècle. Il a consacré sa vie à l’étude et à la compréhension des émotions. Il est également ami personnel du Dalaï-Lama. Ensemble, ils ont écrit plusieurs ouvrages sur les émotions et la compassion. A la demande de ce dernier, Paul Ekman a mis en place l’Atlas des émotions, site web consacré à celles-ci.
Pourquoi ne sommes-nous pas toujours au fait de celles-ci ?
“L’humour est un déguisement sous lequel l’émotion peut affronter le monde extérieur.”
Tony Mayer / Différence entre l’esprit et l’humour
Si nous revenons à la définition de tout à l’heure relative aux émotions « […] elles nous aident à gérer des éléments importants pour notre bien-être […] sans devoir y penser. »
Par conséquent, si je me mets dans la position de l’émetteur, de celui qui vit émotions, cela signifie qu’elles sont là pour me signaler que quelque chose d’important pour moi est en train de se produire. Mais, suis-je toujours conscient de la présence de ces émotions dès qu’elles apparaissent (même très faiblement) ou dois-je attendre d’être dans un état tel qu’elles sont visibles de tous ?
Si je me mets dans la position du récepteur, de l’observateur, et que j’arrive à voir et/ou entendre les manifestations de ces émotions, cela veut dire que je suis témoin que quelque chose d’important pour la personne en face de moi est en train de se produire. Important pour elle ! Par conséquent, y être attentif et les prendre en considération et agir avec bienveillance dans mes interactions avec autrui, voici une belle preuve d’intelligence émotionnelle, d’intelligence sociale…
Vous aller me dire : « Mais ça, on le fait déjà. Pas de problème ». Je vous invite à vous poser quelques instants, à prendre un peu de recul et à réfléchir quelques minutes en toute sincérité à ces questions :
- Suis-je toujours réellement conscient de mes émotions ? Ai-je souvenir d’un moment ou au final je me suis mis en colère « sans m’en rendre compte » ?
- Suis-je toujours attentif aux autres ? Mon conjoint, mes enfants ou mes collègues ne m’ont-ils jamais dit : « mais tu ne vois pas ce que je ressens » ?
- Suis-je (ou mon interlocuteur est-il) toujours en confiance pour exprimer mes (ses) émotions ?
- Même si je suis attentif aux autres, suis-je en mesure de le décoder ? Ou peut-être, je dis bien peut-être, est-ce que je pourrais me tromper car il pourrait arriver que je projette sur l’autre mes propres pensées ou encore ? Pourrais-je confondre certaines manifestations de ces émotions ? Ou encore, pourrais-je être attentif aux mots et non au reste (et un mot n’est pas une émotion…).
(J’en ai encore d’autres, mais je suis certain que vous avez compris l’idée et aussi que vous y avez répondu en toute sincérité…).
C’est quoi l’intelligence émotionnelle (IE) ?
“Je vois le monde à travers le filtre de mes émotions, quelle que soit leur force. Le filtre est toujours là, le monde aussi.”
Esther Rochon / Ouverture
Chez EIA Group[2], nous définissons l’IE comme suit :
« L’intelligence émotionnelle est la capacité de percevoir, de comprendre et d’influencer nos propres émotions et celles des autres, dans divers contextes, afin de guider notre pensée et nos actions et de nous aider à atteindre nos objectifs. »
L’idée est donc bien de conscientiser et de guider nos émotions et nos pensées et d’engendrer une action qui sera adéquate. Donc, ne pas subir mais agir en conscience.
Il existe différents modèles, approches et outils sur le sujet et voici un lien utile si vous souhaitez en savoir plus. L’un des plus connus est celui de Goleman qui propose les 4 compétences (domaines) clés suivantes :
- Conscience de soi
- Gestion de soi
- Conscience des autres
- Gestion des relations
Comprendre cela est assez facile. Le challenge est d’y mettre du contenu solide et scientifique afin de développer ces différents axes et de mettre ces compétences vraiment en pratique.
Les compétences émotionnelles (ou intelligence émotionnelle) renvoient donc à la manière dont nous identifions, exprimons, comprenons, régulons et utilisons nos émotions ainsi que celles des autres.
Est-ce que ça s’apprend ?
“Les mots manquent aux émotions.”
De Victor Hugo / Le Dernier Jour d’un condamné
Excellente nouvelle, notre expérience ainsi que certaines études[3][4]ont montré que les compétences émotionnelles pouvaient s’acquérir et s’améliorer. Il s’agit donc bien d’un facteur sur lequel nous pouvons agir en vue d’influencer notre santé, nos interactions sociales et notre performance.
Au travers de lectures pertinentes et surtout de formations/ateliers pratiques vous pouvez développer votre intelligence émotionnelle. (Car oui, c’est comme conduire ! Apprendre le code de la route et savoir en théorie comment on change de vitesse ne suffit pas. Il est nécessaire de s’exercer d’abord dans un lieu sûr et ensuite sur la route, avant d’obtenir son permis. C’est un peu la même idée, il s’agit ici de compétences pratiques…)
Comme évoqué précédemment, les émotions ont différentes caractéristiques qui leurs sont propres (manifestations physiologiques, manifestations dans la voix, expressions faciales universelles, etc…). Par conséquent, en prenant le temps de développer notre conscience de ces manifestations d’abord chez nous et ensuite chez les autres, pour dans un second temps conscientiser l’utilisation qui en est faite, nous serons plus à même d’évaluer une situation et d’y faire face en toute connaissance de cause.
Une manière d’aborder le sujet est donc par exemple, d’apprendre à lire les expressions faciales (ainsi que d’autres canaux de communications par lesquels les indices (manifestations) émotionnels sont transmis et ce, de manière consciente et inconsciente) et de développer sa capacité de questionnement afin de comprendre le pourquoi de celles-ci.
Quels sont les avantages de l’intelligence émotionnelle pour les entreprises ?
“N’oublions pas que les petites émotions sont les grands capitaines de nos vies et qu’à celle ci nous obéissons sans le savoir.”
De Vincent Van Gogh / Lettres à son frère Théo
Aujourd’hui, avec la notion d’immédiateté grandissante dans de nombreux secteurs, les décisions sont prises si rapidement que les organisations ne peuvent plus se permettre d’avoir un modèle managérial dans lequel les décisions sont prises « en haut » et doivent descendre au travers de toute la ligne hiérarchique avant d’êtres exécutées. Les nouveaux modes de fonctionnement favorisent la collaboration entre les individus afin de résoudre les problèmes et développer des solutions innovantes par eux-mêmes. Pour ce faire, il est nécessaire de maîtriser un éventail de compétences interpersonnelles qui sont souvent minimisées car perçues comme des compétences qui ne sont pas en lien direct avec le cœur de métier et par conséquent, « optionnelles ». Or, le développement des compétences interpersonnelles des équipes est devenu plus critique à mesure que les employés, particulièrement ceux en première ligne, sont amenés à prendre des décisions qui peuvent avoir un sérieux impact sur la réputation d’une entreprise et sur la satisfaction client.
Dans un de ses rapports de recherche, le Harvard Business Review[5] indique que les organisations dans lesquelles l’intelligence émotionnelle est considérée comme bien ancrée dans la culture d’entreprise font état, de niveaux de productivité et d’engagement des employés plus élevés que ceux qui sous-investissent dans l’IE ou qui n’en tiennent pas. Cet avantage se traduite aussi au niveau d’une plus grand loyauté et profitabilité de leurs clients.
Dans ce même rapport, on peut entre autres lire que :
- Seulement 18% des personnes ayant répondus à l’enquête indiquent être fortement d’accord pour dire que leur organisation a ancré l’intelligence émotionnelle dans leur culture d’entreprise.
- 37 % contre 8 % des organisations émotionnellement intelligentes font état d’une expérience client nettement plus forte et de niveaux plus élevés de fidélisation de la clientèle (40% contre 12%) et de défense des intérêts des clients (31% contre 8%)
- 64% des entreprises émotionnellement intelligentes ont un degré élevé d’autonomie et de tolérance au risque.
On peut également y apprendre que qu’il est observé que la plupart des entreprises n’accordent qu’une attention limitée au développement des compétences émotionnelles. Mais celles qui y accordent plus d’attention, voient des avantages considérables tels que : des employés engagés et énergiques, de meilleurs résultats commerciaux, la capacité d’attirer et de retenir les meilleurs talents, l’amélioration de l’expérience client, de la satisfaction des employés et de la créativité dans l’entreprise. Comme ce fut le cas pour Google et Stern Brothers, les entreprises prospèrent lorsqu’elles trouvent le moyen de faire des compétences émotionnelles une réalité d’entreprise.
Conclusion
“Si vous voulez être libre de vos émotions il faut avoir la connaissance réelle, immédiate de vos émotions.”
Arnaud Desjardins
Apprendre à allier les aptitudes intellectuelles à l’intelligence émotionnelle, telle est aujourd’hui la clé de la réussite personnelle et professionnelle.
Nous avons tous des émotions, qu’on le veuille ou non. Celles-ci se produisent chez nous et chez nos interlocuteurs avant même que l’on en ait conscience. Elles se produisent dans toutes les situations qui nous sont importantes et nous informent que quelque chose d’important est en train de se produire. Elles peuvent provoquer des manifestions fiables et inconscientes. Donc, tout le challenge est bien d’apprendre à mieux vivre avec elles.
C’est la raison pour laquelle identifier, exprimer, comprendre, réguler et utiliser les émotions, chez soi et chez les autres, est un vrai plus. Mais, cela ne se fait pas aussi facilement que l’on pourrait (voudrait) le croire, et il s’agit bien d’un ensemble de compétences qui doivent se travailler, si l’on souhaite davantage les développer.
En reconnaissant nos émotions et celles d’autrui, nous pouvons mieux évaluer ce qui se passe en nous, anticiper nos réactions et donc les corriger. Nous pouvons aussi évaluer la manière dont les gens vont réagir, ce qui nous permettra d’être plus conscient et plus sûr de nous dans nos rapports avec les autres.
Avec une approche et des outils à la fois reconnus, scientifiques et surtout très pragmatiques et opérationnels, nous pouvons tous développer cet ensemble de compétences et devenir plus intelligent émotionnellement.
Alors, comme on dit : « Y’à plus qu’à ».
Si vous souhaitez en savoir plus sur notre formation dédiée à l’IE et certifiée par le Dr. Ekman, cliquez-ci.
Article rédigé par Arnaud Blavier
Président EIA Group francophonie
Représentant et formateur certifié Paul Ekman International
Conférencier et Analyste Comportemental
[1] Larousse.fr, 2019
[2] Lansley, 2017
[3] Kotsou et al., 2011 ; Nelis et al., 2011
[4] Hurley, 2011
[5] Harvard Business Review – Research Report, 2019